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En 1869, Friedrich Miescher réalise une découverte scientifique majeure. Elle va changer à jamais la compréhension de la biologie. Le jeune biologiste suisse identifie pour la première fois une substance dans les noyaux des globules blancs. Il la nomme « nucléine ». Ce nom ne vous dit peut-être rien, mais il s’agit en réalité de ce que nous appelons aujourd’hui l’acide désoxyribonucléique, ou ADN. Pourtant, malgré cette percée scientifique, Miescher reste largement méconnu dans l’histoire des découvertes majeures du XIXe siècle.

 

Friedrich Miescher, le grand oublié de la découverte de l’ADN

 

Friedrich Miescher ou la découverte de l'ADN | GENARO

 

Le contexte de la découverte

Lorsque Miescher commence ses recherches en 1868, il ne cherche pas à révolutionner la science génétique. Son objectif initial est bien plus modeste : il souhaite simplement étudier les composants protéiques des leucocytes, c’est-à-dire les globules blancs. Pour ce faire, il demande à une clinique locale de lui fournir des pansements usagés recouverts de pus. Un matériau peu glamour, certes, mais riche en globules blancs, le sujet de ses investigations.

L’ADN : une découverte fortuite

En travaillant sur ses échantillons, Miescher fait une observation surprenante. Il isole une substance issue du noyau cellulaire dont les propriétés chimiques diffèrent radicalement des protéines qu’il cherche à étudier. Cette substance contient une quantité de phosphore beaucoup plus élevée que celle observée dans les protéines et résiste à la protéolyse (la digestion des protéines). Miescher comprend alors qu’il est face à quelque chose de nouveau, une découverte qui n’était pas au programme.

Conscient de l’importance de cette découverte, Miescher écrit dans ses notes : « Il me semble probable qu’une famille entière de substances contenant du phosphore légèrement différentes apparaîtra sous la forme d’un groupe de nucléines, équivalentes aux protéines. » En d’autres termes, il entrevoit déjà les applications futures de sa découverte, même si l’ampleur de celles-ci ne sera comprise que des décennies plus tard.

Friedrich Miescher ou la découverte de l’ADN : une reconnaissance tardive

Bien que Miescher fasse cette découverte en 1869, il faut attendre plus de cinquante ans pour que la communauté scientifique reconnaisse pleinement l’importance de la nucléine. En 1971, le biochimiste autrichien Erwin Chargaff, connu pour ses travaux sur la structure de l’ADN, souligne cette omission dans un essai. Chargaff note qu’en 1961, un compte rendu historique de la science du XIXe siècle mentionne 31 fois Charles Darwin et 14 fois Thomas Huxley, mais ignore complètement Friedrich Miescher. Une omission flagrante qui illustre le manque de reconnaissance accordé à cette découverte pourtant fondamentale.

Un parcours semé d’embûches

Friedrich Miescher naît à Bâle, en Suisse, en 1844. Fils de physicien et membre d’une famille respectée dans les milieux intellectuels, il grandit dans un environnement qui favorise la curiosité scientifique. Pourtant, sa carrière commence sous de mauvais auspices. Souffrant de surdité partielle, Miescher doit renoncer à exercer la médecine clinique, une discipline dans laquelle il aurait dû rencontrer des patients. Il décide donc de se consacrer à la recherche scientifique, un choix qui lui convient mieux.

En 1868, il rejoint l’Université de Tübingen, en Allemagne, où il travaille sous la direction de Felix Hoppe-Seyler, un pionnier dans l’étude de la chimie des tissus. Le laboratoire de Hoppe-Seyler est l’un des premiers à isoler et analyser les molécules constituant les cellules. C’est ici que Miescher entreprend ses recherches sur les globules blancs, une quête qui va le mener à la découverte de la nucléine.

Le processus d’isolation de la nucléine

Isoler des globules blancs en quantité suffisante pour ses études s’avère être une tâche ardue. Les ganglions lymphatiques, d’où proviennent ces cellules, ne sont pas toujours faciles à exploiter. Miescher se tourne alors vers une source alternative : le pus des infections, qui contient une grande quantité de globules blancs. Il récupère donc des bandages usagés à la clinique voisine pour en extraire le précieux matériel cellulaire.

C’est à partir de ce matériau que Miescher identifie la nucléine, une substance qu’il trouve dans les noyaux des cellules. Il détermine que la nucléine contient de l’hydrogène, de l’oxygène, de l’azote et du phosphore, et que le rapport phosphore/azote reste constant. Cette découverte ouvre la voie à des recherches plus approfondies sur les constituants des cellules et leurs rôles dans l’hérédité.

Un long chemin vers la publication

Bien que Miescher fasse ses découvertes en 1869, il ne publie ses résultats qu’en 1871. Felix Hoppe-Seyler, sceptique quant à l’unicité de la nucléine, demande à vérifier les résultats avant de les accepter pour publication. Une attitude prudente, mais qui retarde la diffusion de l’information.

Pendant le reste de sa carrière, Miescher continue à étudier la nucléine. Il cherche notamment à comprendre les changements métaboliques qui se produisent chez le saumon lorsqu’il se prépare à pondre. En 1872, il accepte un poste de professeur de physiologie à l’Université de Bâle, un poste qui lui offre davantage de ressources pour mener ses recherches, bien que l’enseignement ne soit pas son domaine de prédilection.

Miescher n’est pas un enseignant charismatique. Sa timidité et ses préoccupations pour la recherche rendent les interactions avec les étudiants difficiles. Mias il est perfectionniste. Il consacre ainsi de longues heures à ses expériences, souvent au détriment de ses autres obligations académiques. Il continue à travailler sur la nucléine, mais il n’en comprend pas encore pleinement l’importance. Comme la plupart de ses contemporains, il pense que les protéines sont les véritables molécules de l’hérédité. Ce n’est que bien plus tard que la communauté scientifique découvrira que la nucléine – désormais appelée ADN – joue un rôle clé dans la transmission des informations génétiques.

Friedrich Miescher ou la découverte de l’ADN : les bases de la biologie moderne

En 1895, Friedrich Miescher meurt de la tuberculose à l’âge de 51 ans. À ce moment-là, ses travaux sur la nucléine restent relativement obscurs. Pourtant, ses découvertes ont posé les bases de la biologie moléculaire moderne. Ce n’est que plusieurs décennies plus tard que les scientifiques réaliseront la véritable portée de ses travaux. Aujourd’hui, l’ADN est reconnu comme la molécule porteuse de l’information génétique, responsable de la transmission des caractères héréditaires. Les bases de cette découverte ont été posées par Friedrich Miescher il y a plus de 150 ans. Son travail, autrefois ignoré, fait désormais partie intégrante de l’histoire des sciences biologiques.

Friedrich Miescher, malgré une vie consacrée à la recherche et une découverte révolutionnaire, reste longtemps méconnu. Pourtant, son identification de la nucléine marque le début de la biologie moléculaire moderne. Cette découverte, aujourd’hui appelée ADN, joue un rôle central dans la compréhension des mécanismes de l’hérédité et de la génétique. Miescher mérite donc une place parmi les grands noms de la science.

 

 

Friedrich Miescher, le grand oubliée de la découverte de l'ADN

Portrait de Friedrich Miescher, le grand oubliée de la découverte de l’ADN

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